Interview : Nicolas Boulet : « les ambitions de Michelin avec Wisamo sont fortes » Arnaud C., 10 juillet 20248 juillet 2024 Lancée en 2019 par Michelin, l’initiative Wisamo vise à contribuer à la décarbonation du transport maritime via un concept d’aile gonflable, entièrement rétractable et automatisée, gréée sur un mât télescopique. Le projet a pris de l’ampleur, entre Nantes et Vannes, avec des premières mises sur le marché prévues en 2025. Directeur des ventes et du développement de Wisamo, Nicolas Boulet nous en dit plus. Pourquoi le groupe Michelin s’est-il investi dans cet univers de la décarbonation du transport maritime avec Wisamo ? Parce que Michelin est lancé depuis quelques années dans un grand plan stratégique qui vise à diversifier son activité autour de la mobilité durable et des matériaux composites de haute technologie. L’objectif est d’arriver à moyen terme à 30% du chiffre d’affaires du groupe qui soit réalisé en dehors de son business historique, le pneu. Michelin a en outre une culture d’innovation qui n’est d’ailleurs pas forcément connue de tous avec des sociétés qui ont suivi le même process que celui que nous empruntons avec Wisamo, comme Symbio, qui a développé une pile à combustible pour le secteur automobile, aujourd’hui « spin-offée », avec l’entrée au capital de partenaires industriels comme Stellantis. La genèse est venue du centre de recherche de Michelin en Suisse qui a fait mûrir ce projet d’enveloppe gonflable, jusqu’à un point où on a pu construire les deux premiers prototypes de petites tailles, puis les tester, le premier sur le Sense 43 (monocoque de croisière) de Michel Desjoyeaux, le second, plus récemment, sur MN Pelican, un roulier de la Compagnie Maritime Nantaise. Quelle est la spécificité de la voile Wisamo ? Le côté vraiment différenciant, c’est sa rétractibilité, qui permet de prendre des ris jusqu’à l’affalage complet, pour réduire le fardage si les conditions de vent sont trop faibles, et pour garantir la sécurité des navires et des équipages si elles sont trop fortes. Cet aspect sécurité est un point fondamental, directement corrélé au côté très automatisé. Concrètement, quand peut-on s’attendre à voir les premières voiles Wisamo arriver sur le marché ? Nous avons deux lignes de travail que nous développons en parallèle. La première est la petite aile, dérivée de nos deux prototypes, aux alentours de 150 m2 de surface, qui aura pour vocation d’adresser le marché du petit transport maritime. A savoir les navires de travail, de pêche ou de servitude éoliens dans un objectif de décarbonation, mais également de grande plaisance dans un but plus confort, avec un côté rétractable et automatisé qui peut convenir à des gens moins en capacité de manœuvrer. Pour cette petite aile, l’ambition est de sortir les premiers produits au deuxième semestre 2025. A côté, nous travaillons sur la grande voile de 800 m2 qui a vocation à être intégrée sur des vraquiers et des tankers, nous venons de terminer une phase d’engineering importante, nous visons une commercialisation en 2027/2028. Nous sommes répartis sur deux sites, à Nantes et à Vannes, où nous disposons, pour ce dernier, d’un atelier de prototypage et d’un banc d’essai qui a vocation à produire en série les premiers exemplaires de la petite aile l’année prochaine. Vous parlez de décarbonation, quels sont les résultats attendus pour le transport maritime avec Wisamo ? C’est très difficile de donner des chiffres aujourd’hui, parce qu’ils dépendent beaucoup de la stratégie opérationnelle des armateurs, mais également des routes empruntées. Certains vont être dans une logique maximum, en acceptant une vitesse de croisière assez basse, ce qui va leur permettre d’atteindre 50 à 60% de décarbonation, d’autres vont souhaiter rester sur des usages standards, sans diminuer les vitesses de transit, dans ce cas, on vise des gains de l’ordre de 30%, nous sommes plus dans cet ordre de grandeur. Quelles sont les ambitions de Michelin ? Et ce marché est-il concurrentiel ? Michelin a pour habitude, quand il veut adresser un marché, d’être parmi les acteurs majeurs du secteur, à la fois en performance et en volume, donc les ambitions sont fortes, notamment à horizon 2030, parce que les évolutions de la réglementation sur le transport maritime vont commencer à imposer des contraintes importantes sur les armateurs. L’enjeu principal sera la montée en cadence et là-dessus, Michelin a une vraie capacité à passer dans une logique de production standardisée et massive. Aujourd’hui, on table, à horizon 2040, sur une centaine d’ailes produites par an. Pour ce qui est du marché, il est concurrentiel, parce que beaucoup d’acteurs se sont lancés avec des solutions assez différentes au niveau du rapport poids/puissance/prix, qui est le triptyque magique. Mais je parlerais aujourd’hui plus de filière vélique, particulièrement en France, avec des acteurs qui sont aujourd’hui dans une logique de creuser ensemble le sillon pour faire du prosélytisme et convaincre les armateurs de franchir le cap. Peut-être que dans un deuxième temps, il sera question de prendre des parts de marché. Propulsion vélique propulsion véliquewisamo