David de Prémorel – Finot-Conq : « La course au large influe sur notre manière de dessiner les navires de croisière » guillaume, 8 janvier 20258 janvier 2025 En quasi 50 ans d’histoire, le bureau d’architecture navale Finot-Conq est devenu l’un des témoins privilégiés de l’évolution de la course au large et des possibilités d’application qu’elle offre pour d’autres marchés. Focus avec David de Prémorel, son directeur général depuis 2020. Pouvez-vous présenter le bureau d’architecture navale Finot-Conq ? Finot-Conq est né en 1969, sous le nom de Groupe Finot, en région parisienne. Il a été fondé par Jean-Marie Finot. Pascal Conq a rejoint le groupe en 1985. C’est à ce moment-là qu’ils ont tous les deux commencé la conception de navires de course de type Open. À cette époque, la jauge dominante était l’IOR (International offshore rule). Les navires Open sont nés à travers la classe Mini. La jauge était très ouverte avec une obligation de longueur et de largeur. En 1989, le premier 60 pieds Open issu du groupe a été mis à l’eau pour Alain Gautier. En 2000, Pascal Conq a ouvert une antenne en Bretagne. En 2009, Finot-Conq y est né. J’ai récupéré les rênes du bureau en 2020. Quelle relation entretient le bureau avec le Vendée Globe ? Nous avons remporté quatre fois le Vendée Globe. Sur le premier, en 1989, Alain Gautier est en tête avec Generali, mais casse une barre de flèche et finit 6e. En 1992, il le remporte avec Bagages Supérior. En 1996, Christophe Auguin le remporte sur Geodis. En 2000, Michel Desjoyeaux l’emporte sur PRB. Le navire fait ensuite le doublé avec Vincent Riou à sa barre. Pour le Vendée Globe 2024, nous avons conçu Paprec Arkea (Yoann Richomme), Vulnerable For People (Thomas Ruyant), en association avec Antoine Koch et GSea Design. Deux IMOCA que nous avions dessinés pour le Vendée Globe 2008 sont également présents. Le premier, Lazare (Tanguy Le Turquais), est l’ancien DCNS, Comme un seul homme et Groupe Apicil. Entre 2017 et 2020, nous avons effectué de nombreux travaux en changeant le roof, les dérives et modifié les ballasts. Le second est Singchain Team Haikou (Xu Jingkun), qui est notamment l’ancien Brit Air, que nous avons dessiné en 2008 pour Armel Le Cléac’h avec lequel il termine deuxième du Vendée Globe 2008. « La Bretagne pour être à proximité immédiate de l’écosystème » Quelles raisons ont poussé Pascal Conq à ouvrir une antenne en Bretagne ? Il y en avait principalement deux. La première est simple, Pascal est breton et souhaitait retourner dans sa région natale. Ensuite, pour l’activité course au large, nous voulions nous rapprocher des clients. Nous y sommes en proximité directe avec l’ensemble du milieu, outre le fait qu’on adore y vivre. Les équipes de course y sont, certains chantiers, les sous-traitants, les clients, les confrères. Concernant les chantiers, nous sommes totalement agnostiques et travaillons avec tout le monde. Les deux derniers navires ont été faits avec CDK Technologies et Multiplast, par exemple. Certains de nos clients de série aussi sont présents, comme Pogo Structures. Beneteau n’est pas très loin. En quoi les navires de course conçus par le bureau vous servent pour l’activité croisière ? Ils exercent une influence sur la façon dont nous dessinons les navires de croisière. Au bureau, nous sommes tous passionnées par l’idée de naviguer vite. Cela laisse plus de temps à l’escale. C’est aussi un élément de sécurité. Être suffisamment rapides permet de mieux gérer son positionnement par rapport à son système météo par exemple. Ensuite, lorsque l’on est en croisière, il est assez rare que tout le monde sache naviguer. Finalement, la façon dont on se sert d’un navire de croisière se rapproche de celle dont on navigue avec un voilier de course en équipage réduit, en solo ou en double. Nous concevons donc nos bateaux de croisière pour une utilisation en équipage réduit, en intégrant des notions d’ergonomie, de puissance de l’accastillage, etc. Enfin, dans un cas comme dans l’autre, nous essayons de faire de jolis navires. Quelles technologies développées pour la course au large avez-vous appliquées pour le marché de la croisière ? Nous sommes les premiers à avoir généralisé l’utilisation des doubles safrans. À notre avis, la bonne solution pour contrôler des bateaux larges est d’en avoir. La façon dont ont été développées des formes de coque pour des navires équilibrés, ne tirant pas sur le pilote automatique, a toujours existé chez nous et elle se retrouve dans les navires de croisière que l’on dessine, qui sont très légers à la barre, très contrôlables. Mettre des cadènes de hauban totalement à l’extérieur des navires afin d’augmenter la taille des barres de flèche et diminuer la masse des gréements s’est très vite retrouvé dans nos navires de croisière. Réaliser l’intégralité des bateaux en carbone préimprégné se retrouve sur certains de nos bateaux de croisière. Nous sommes parmi les premiers à avoir fait des voiles de quilles en composite pour porter un bulbe lourd afin de baisser le centre de gravité du lest et donc du bateau. Le bateau est plus léger tout en portant la même surface de toile. Cela se retrouve sur les bateaux de croisière rapides que l’on conçoit. « Le passage des navires dans les vagues, un point de développement essentiel pour le Vendée Globe 2024 » Selon vous quelles sont les principales évolutions récentes et à venir dans la conception de navires de manière générale ? Pour la course, il y a une évidence absolue avec le développement des grands foils et le fonctionnement des navires avec le foil. Concevoir un foil implique de considérer beaucoup de paramètres. Lors du Vendée Globe 2020, nous nous sommes rendu compte que les foils permettaient d’atteindre des vitesses très élevées. Il devenait très important d’être capable d’aller vite dans la mer, parce qu’ils ne sont pas des bateaux entièrement volants. Le passage dans les vagues est devenu pour tous les architectes le point de développement important pour les bateaux de la génération 2024. Nous avons tous eu des façons diverses d’aborder cette question, ce qui résulte sur des navires différents. Pour la croisière, on sera plutôt sur des notions liées à l’environnement, à la diminution de l’impact du cycle de vie d’un voilier. Plusieurs choses sont évidentes. C’est de passer à des matériaux plus vertueux, possiblement recyclables. Il y a le fait d’améliorer la durée de vie des bateaux, parce que la première façon de diminuer l’impact d’un bateau, ou plus généralement d’un objet quel qu’il soit, c’est d’augmenter sa durée de vie pour ne pas avoir à le remplacer. Voile de compétition finot-conq