Arkea Ultim Challenge-Brest : quels moyens mis en œuvre pour garantir la sécurité ? guillaume, 11 mars 202427 juin 2024 Entre coordination, pathologies, zones non-navigables et détection des OFNIS, la thématique de la sécurité durant l’Arkea Ultim Challenge a été balayée par Guillaume Rottee, directeur de la course, Renaud Bañuls, fondateur de Share The Ocean, Laure Jacolot, médecin de course, et Fredéric Renaudeau, président du Pôle Mer Bretagne Atlantique. Morceaux choisis des interventions à découvrir en podcast. Un an de préparation Une cinquantaine de jours pour autant de nuits, c’est ce pour quoi les skippers au départ de l’Arkea Ultim Challenge-Brest se sont élancés le 7 janvier 2024. C’est aussi l’équivalent de la vie commune menée par l’équipe sécurité organisée autour de Guillaume Rottee, le directeur de course, le temps de ce premier tour du monde dédié aux Ultims. Laure Jacolot, médecin de course, Pierre Hays, directeur adjoint de la course, Guillaume Evrard et l’ancien skipper Fred Le Peutrec assurent une veille continue sous forme de roulement, telle une cellule de routage, dans un petit appartement loué spécialement pour l’occasion à Brest. “Autour de cette cellule direction, nous sommes aussi accompagnés de spécialistes, météo, glaces, zones de protection”, détaille Guillaume Rottee. Depuis février 2023, cette équipe est à pied d’oeuvre afin de garantir la sécurité des skippers et leur permettre d’obtenir une assistance rapide, même si l’archipel des Kerguelen et l’océan Pacifique sont les deux principales zones redoutées. “Comme pour tout tour du monde, on n’a pas vraiment envie qu’il arrive quelque chose aux navigateurs à ces endroits. Nous y sommes un peu loin de tout. Contrairement à l’Atlantique Nord, où il y a du trafic commercial, et pour lequel on arrive à trouver des solutions, ces zones se limitent à du trafic pour quelques navires scientifiques et de pêche. Les opérations de sauvetage deviennent rapidement compliquées.” Afin de parer à toute éventualité Guillaume Rottee et son équipe sont entrés en contact avec les Maritime Rescue Coordination Centres (MRCC) situés aux quatre coins du globe. “Nous avons discuté des moyens qu’on peut avoir à disposition, sur les phases opérationnelles, combien de temps ça va prendre, etc. de manière un peu anticipée, qu’on ait toutes ces données-là pour qu’on puisse répondre le plus rapidement possible le jour où effectivement il y a un incident en mer.” Ces MRCC, habitués à traiter avec les organisateurs du Vendée-Globe, ont d’ailleurs dû faire preuve d’adaptabilité pour répondre aux exigences induites par les géants des mers que sont les Ultims. “C’était bénéfique car ça a redonné un petit peu de piment et de motivation à tout le monde du fait du côté nouveau. Tout le monde a dû se repencher sur les dossiers afin de voir si des choses devaient être ajustées. Et ce fut le cas car c’est une course différente avec des navires atypiques. Cela a aiguisé la curiosité de nos amis à l’autre bout du monde.” Lire aussi : Arkea Ultim Challenge – Brest : comment les teams se sont préparés à ce premier tour du monde en Ultim ? Des pathologies différentes d’un Vendée Globe L’enjeu des traumatismes et des pathologies occupe de plus en plus une place prépondérante dans la préparation des courses au large. L’Arkea Ultim Challenge n’y fait pas exception. “Le travail médical n’est pas le même que sur une Transatlantique, tranche Laure Jacolot. Plus que sur l’anticipation des éventuels problèmes, nous sommes sur de la prévention.” Ce travail est ainsi différent de celui réalisé durant un Vendée Globe, notamment pour des raisons de différences de gabarit des navires. “En termes d’énergie, les Ultims requièrent énormément de travail au niveau de la colonne vertébrale. Cela peut engendrer des pathologies comme des tendinites à cause des manoeuvres répétitives. Nous allons beaucoup plus anticiper qu’en IMOCA.” La vitesse plus élevée des Ultims par rapport aux IMOCA peut aussi entraîner des affections différentes. “La décélération brutale et la collision sont les risques principaux chez les Ultims. Une décélération brutale peut s’apparenter à un accident de la route sans ceinture de sécurité avec des conséquences graves. Il y a des arrêts-buffets plus répétitifs. Il n’y a aucune réglementation autour du port du casque. Les skippers en amènent désormais systématiquement, mais ne les mettent pas tout le temps..” Le serment d’Hippocrate s’applique même en course au large. Pas question donc de briser le secret médical. “Des groupes WhatsApp et Telegram sont créés avec les différents médecins. Généralement, il n’y a pas d’information directe sauf urgence et cas grave.” Lire aussi : À quoi pourrait ressembler l’Ultim du futur ? Quand l’IA aide à la détection des OFNIS Les collisions sont le cauchemar de tout skipper. Causant casse matériel voire avarie, elles peuvent ruiner tout le travail préparatoire mené par les teams. Pour réduire le risque de choc avec des OFNIS, les navires sont déjà équipés d’un système de détection des objets flottants non-identifiés. Déjà éprouvé, OSCAR (SEA.AI) est installé en tête de mât sur les voiliers. Frédéric Renaudeau, président du Pôle Mer Bretagne Atlantique, a présenté son prolongement intitulé Exos 2024. “S’appuyant sur la technologie OSCAR avec la détection chronique et de l’intelligence artificielle, l’objectif du projet est d’avoir un outil fiable pour ce qui doit être détecté au-dessus de la surface pour le prochain Vendée Globe. Nous continuons à l’améliorer avec des essais en mer où l’on simule toutes sortes d’objets flottants dans l’identifié, que ce sont des billes de bois, des bouées dérivantes, des conteneurs, etc.” À l’avenir, le futur défi du Pôle Mer consiste à détecter ce qui se trouve sous la surface. “Heureusement que nous pouvons nous appuyer sur la statistique pour cela. Sous la mer, le meilleur mode de propagation reste le son, mais il ne se diffuse pas de manière rectiligne. La tranche 0 à 10m reste la plus compliquée en termes de caractère géométrique de propagation des rayons sonores. Pour la détection sous-marine, ce ne sera pas uniquement une solution technologique. Nous allons combiner avec d’abord la détection au-dessus de la surface et l’intégration de la statistique.” Des zones non-navigables déterminées Les cétacés constituent des espèces à protéger lors d’un tour du monde. Afin d’éviter le plus possible le taux de collisions engendrées durant l’Arkea Ultim-Challenge, il a été décidé, en collaboration avec Renaud Bañuls, fondateur du cabinet Bañuls Design et du consortium scientifique Share The Ocean, de délimiter des zones où il est interdit de naviguer. Pour cela, la direction de la course s’est appuyée sur le travail mené par Share The Ocean, qui regroupe l’Observatoire PELAGIS, l’école polytechnique, l’INRIA et le CNRS. “Nous avons développé ces modèles de collision à partir de densité et de probabilité de collision quand on croise les habitats, les abondances, les migrations connues des cétacés sur la route des navires. Ces zones dépendent de nombreux paramètres : de la saison, du type d’espèce ou encore des données disponibles sur lesdites zones. Il se peut que, pour certaines régions du globe, il n’existe aucune information.” Pour matérialiser ces data, le consortium s’appuie sur un travail statistique sur “des données d’observation réalisées par des organismes de recherche à travers le monde. Ce travail est transdisciplinaire. Il regroupe des biologistes environnementaux, des spécialistes de la densité de la mégafaune marine et des spécialistes de la statistique.” Le dessin de ces zones a donné lieu à débat entre la direction de courses et les concurrents, comme le souligne Guillaume Rottee : “Notre rôle était de placer le curseur au bon endroit entre les convictions de Share The Ocean et les contraintes des concurrents. Je retiens qu’il y a eu une prise de conscience générale. Il y a encore un an, ces DST (disposition de séparation de trafic) ne faisaient pas partie des instructions de course et n’étaient pas des zones interdites. Aujourd’hui, elles ont le mérite d’exister et c’est quand même positif.” Un dispositif qui sera reconduit lors du VG 2024. Afin de minimiser les risques de collisions entre les bateaux et la mégafaune marine, plusieurs Zones de Protection de la Biodiversité identifiées comme des sites importants de reproduction et d’alimentation pour les cétacés, vont être instaurées le long du parcours du tour du monde dès 2024. . Le financement du fonds de dotation du VG permettra d’aider à améliorer la recherche et le modèle de collisions afin d’affiner ces zones d’édition en édition. Voile de compétition arkea ultim challenge brestconférence eurolarge innovationsécurité