Morgane Fouillet : « Les voiles de Neoline, un vrai challenge » audrey, 14 octobre 202514 octobre 2025 Cet article est extrait de la newsletter de Multiplast Groupe Carboman à retrouver chaque trimestre en vous abonnant ici. Premier cargo à voiles à dimension industrielle, Neoliner Origin, sur lequel ont été installés deux gréements SolidSail développés par les Chantiers de l’Atlantique, eux-mêmes équipés de voiles en composite fabriqués par Multiplast, effectuera en octobre sa première transatlantique commerciale entre l’Europe et l’Amérique du Nord. Responsable projet composites chez Multiplast, Morgane Fouillet revient sur cette aventure, dont l’objectif est de contribuer à la décarbonation du transport maritime. Pouvez-vous nous rappeler la genèse du projet Solidsail ?C’est un projet initié par les Chantiers de l’Atlantique il y a presque dix ans, consistant à créer des gréements à voiles Solidsail pour des paquebots de croisière ou des cargos dans un objectif de décarbonation du transport maritime. Multiplast a été impliqué doublement, d’abord pour la construction de tronçons de mâts, en collaboration avec d’autres acteurs bretons, réunis désormais au sein de SolidSail Mast Factory, l’entreprise qui produit ces mâts dans la nouvelle usine de Lanester. Ensuite, nous avons fabriqué l’intégralité des voiles en composite, qui sont au nombre de deux sur Neoliner Origin. Ce cargo roulier a quitté la Turquie, où il a été construit, le 29 septembre pour rejoindre Saint-Nazaire, avant d’effectuer sa première liaison commerciale vers Halifax (Canada) et Baltimore (États-Unis) via Saint-Pierre-et-Miquelon. Pour nous, Neoline est un projet quasiment achevé – même si nous espérons bien évidemment que d’autres cargos de ce type seront commandés par la suite -, nous avons enchaîné en fabriquant des voiles identiques pour deux bateaux de croisière Orient Express, équipés chacun de trois mâts. Comment ont été développées ces voiles ?Nous avons débuté il y a six ou sept ans par une voile de 20 m2, nous en avons ensuite testé une autre sur l’Imoca de Jean Le Cam puis sur sur Le Ponant, petit paquebot de croisière, pour arriver aujourd’hui à des voiles de 1 000 m2. Un premier proto mât/voiles avait été mis en place sur le site des Chantiers de l’Atlantique à Saint-Nazaire, il a servi de démonstrateur avant d’être installé sur Neoliner Origin. Il y a forcément eu beaucoup d’allers-retours avec les Chantiers de l’Atlantique, mais également avec GSea Design, pour la partie dimensionnement, et l’Ensta Bretagne, en renfort sur des sujets de R&D. L’enjeu pour Multiplast était à la fois technologique, même si ce sont des matériaux – carbone, fibre de verre et époxy – et des process que l’on maîtrise bien, et économique, car si ces voiles sont faites pour durer a priori vingt ans, il fallait s’assurer de la viabilité budgétaire du projet. Comme nous n’avons pas fait de compromis sur les process, il fallait dès la conception arriver à sortir un produit simple à mettre en œuvre, puis être en capacité de suivre la cadence de production. Car une voile, c’est onze panneaux, dont certains font 20 mètres de long pour 7 de large, nous fabriquons aujourd’hui trois voiles par an, l’objectif dans les années à venir étant de passer à dix. Dans un atelier où on fait beaucoup de prototypes et où tout bouge en permanence, c’était un vrai challenge d’intégrer une telle production en série, de sacraliser un espace et une cadence au milieu d’autres projets qui n’avaient rien à voir, sachant qu’on démoule un panneau toutes les semaines avant d’attaquer le suivant. Nous avions déjà fait ce type de production avec des foils des Figaro 3, mais ça prenait beaucoup moins de place ! Que représente ce projet pour Multiplast ?Comme je le disais, c’est un projet au long cours, parce que quand je parle de dix voiles par an, c’est à horizon 2030-2035. Ça permet à l’entreprise d’avoir une production pérenne sur le long terme et donc de la visibilité pour éventuellement s’agrandir et dédier un atelier à cette production. Nous avons d’ailleurs déjà dû construire un bâtiment de 8 mètres de haut et 25 de long consacré à la peinture des panneaux. Ensuite, cela permet d’un point de vue ressources humaines de recruter de nouvelles personnes dans l’entreprise qui n’ont pas forcément de formation composite initiale, c’est plus facile de les intégrer sur un tel projet industriel maîtrisé que de les mettre directement sur une coque d’Imoca. C’est en outre un projet attractif, dans la mesure où de plus en plus, les gens ont la volonté de travailler sur des projets qui ont du sens. Participer à la fabrication de ces voiles, c’est contribuer à la décarbonation du transport maritime, donc c’est assez inspirant. Je pense que quand Neoliner Origin va boucler sa première traversée, toute l’équipe sera très fière d’avoir participé à quelque chose de grand. Enfin, SolidSail a été pour nous l’opportunité de faire de gros progrès en termes d’organisation, c’est aujourd’hui en quelque sorte une vitrine de notre savoir-faire industriel. Le but, c’est que nos autres projets, y compris prototypes, tendent vers ce type d’organisation. Non classé