Grâce à ses foils, SEAir fait décoller la technologie navale bretonne

Implantée à Lorient, la société SEAir a bâti sa réputation en faisant voler les bateaux grâce à ses foils. Aujourd’hui, elle met ce savoir-faire unique au service de la défense et de l’innovation maritime, entre Bretagne Sailing Valley et Europe.

Faire voler des navires par-dessus les flots, c’est l’ADN de SEAir. Depuis sa fondation en 2016, l’entreprise implantée à Lorient est devenue une référence dans la conception de navires à foils motorisés avec une vingtaine de brevets développés et déposés.

« Notre force, c’est la maîtrise complète du foil motorisé. Depuis la création de SEAir, nous avons validé à la mer nos cinq principes fondamentaux : stable, simple, sûr, durable et solide, affirme Richard Forest, PDG de l’entreprise. Nous avons développé des systèmes de foils rétractables sûrs et fiables, une électronique de vol très avancée pour la stabilité, et des foils solides que SEAir garantit à vie. Enfin, nous avons mis au point une motorisation hybride avec des pods électriques, combinant moteurs diesel, transformateur et batterie pour une propulsion propre et performante. »

Trois plateformes sont ainsi conçues et dessinées à Lorient par l’équipe de 15 personnes qui compose SEAir : 8-9m, 12m et 20m. Elles sont toutes déclinables en version drone ou pilotée. « Nos bateaux sont capables de naviguer jusqu’à force 4, soit environ 2,5 m de vagues — là où un plaisancier sur semi-rigide ne sort plus depuis longtemps. Le foil permet d’améliorer la navigation dans des conditions normalement inaccessibles. Pour donner un ordre d’idée, notre modèle de 20 mètres offre un rayon d’action de 800 miles nautiques aller-retour, soit environ Brest – Détroit de Gibraltar, à 45 nds établis en Mer 4. »

Un virage naturel vers le secteur de la défense

Depuis ses premiers essais sur un Mini 6.50, le 747, SEAir met aujourd’hui cette expertise au service de l’ultraluxe et de la défense, après avoir délaissé la plaisance plus grand public. Un repositionnement logique pour une société ancrée au cœur de la Bretagne Sailing Valley, à proximité directe de la base des commandos de Lanester. « Un jour, nous les avons invités à monter à bord de l’un de nos navires. Ils ont adoré le concept. »

Grâce à leur stabilité, leur rapidité, leur discrétion et leur rayon d’action doublé grâce au 50% d’économie de carburant, les plateformes SEAir séduisent désormais les forces armées. Leurs applications vont de la surveillance maritime à la guerre électronique, en passant par les missions spéciales et le soutien logistique dans des zones inaccessibles aux hélicoptères.

La PME a ainsi tapé dans l’œil de l’Agence Européenne de Défense pour coordonner le projet européen de navire de surface autonome ARROW. Prévu d’ici la fin 2028, ce navire drone conçu par SEAir, atteindra une vitesse de pointe de 45 nœuds pour une autonomie estimée à 400 miles grâce aux hydrofoils. Conçu comme un démonstrateur d’USV de nouvelle génération, ARROW mise sur la discrétion opérationnelle : sa propulsion électrique limite fortement les émissions sonores, tandis que sa ligne épurée réduit sensiblement la signature de vagues. De quoi offrir aux opérateurs une plateforme plus agile, furtive et adaptée aux missions de reconnaissance ou de lutte contre les intrusions.

Afin d’assurer sa phase d’industrialisation de ses navires, SEAir a été retenue par le fonds d’investissement SouvTech Invest dans le cadre d’une campagne de financement participatif. « SEAir est le seul acteur expert dans l’usage des foils et des pods électriques pour « droniser » les bateaux. À mon sens, c’est une technologie clé pour les drones maritimes de petite taille, jusqu’à 20 mètres. Il n’y aura plus de drones de surface sans foils, c’est une certitude », souligne Pierre-Elie Frossard, co-fondateur de la plateforme. L’objectif est de collecter 500 000 euros en fonds propres, pour cofinancer, avec l’Union européenne, le développement de drones de surface. « Lever des fonds dans la défense reste difficile, surtout sans carnet de commandes, souligne Richard Forest. Mais notre crédibilité opérationnelle est aujourd’hui reconnue : notre drone de 8 mètres a été embarqué sur une frégate lors d’un exercice OTAN, avec un retour très positif de la Marine nationale sur sa performance. »

Les premiers essais devraient avoir lieu en 2026. En anticipation de premières commandes, SEAir prépare, en parallèle, l’industrialisation de ses navires avec ses chantiers partenaires. En moins de dix ans, SEAir est passée du rêve de faire voler les voiliers à celui de renforcer la souveraineté maritime européenne. Une trajectoire qui prouve que, dans la Bretagne Sailing Valley, l’innovation peut aussi prendre des airs de défense.