Les foils, de la course au large au transport maritime audrey, 3 avril 202517 avril 2025 Désormais éprouvés dans l’univers de la course au large, les foils offrent un excellent levier pour accélérer la décarbonation du transport maritime. Les projets sont nombreux – impliquant notamment des acteurs bretons – et certains déjà concrétisés. Revue de détail. Après un Vendée Globe 2020 qui n’avait pas permis aux foilers d’exprimer tout leur potentiel, notamment dans la mer formée, l’édition 2024 a validé leurs performances et leur fiabilité, les sept premiers au classement s’étant alignés sur un Imoca à foils de dernière génération (mis à l’eau entre 2021 et 2023), tandis que le premier non-foiler, Monnoyeur-Duo For a Job (Benjamin Ferré), a pris la 16e place – Jean Le Cam avait terminé 4e quatre ans plus tôt. “Ces résultats crédibilisent une technologie qui est arrivée à maturité, grâce aussi aux bateaux de la Coupe de l’America et aux Ultim”, se félicite Jérôme Guiban, responsable du bureau d’études de Pixel sur Mer, société notamment spécialisée dans le contrôle du vol de ces types de bateaux. Une bonne nouvelle pour la filière bretonne qui s’emploie, depuis quelques années déjà, à mettre cette expertise au service d’un transport maritime plus durable. A l’image de MerConcept qui, après avoir travaillé sur le sujet du vol en course au large (Ultim SVR Lazartigue, Imoca Macif Santé Prévoyance, entre autres) mais aussi avoir lancé un prototype de petit catamaran électrique à foils, a développé avec VPLP Design et Alwena Shipping deux catamarans à passagers de 24 à 30 mètres annonçant 40 nœuds en vitesse moyenne et jusqu’à 40% de consommation de carburant en moins. Le premier, le Fast Foiling Ferry, cible le transport du grand public avec une capacité de 200 passagers, tandis que le second, le Crew Transport Vessel, vise le transfert de personnel offshore. Les deux concepts présentent des adaptations majeures répondant à leur mission de transport. “Leurs foils sont rétractables pour limiter le tirant d’eau, faciliter les manœuvres et l’accostage au port, détaille Antoine Jarry-Lacombe, chef de projet chez Mer Concept. Ils sont en acier plutôt qu’en carbone, pour apporter une réponse adaptée aux enjeux de coût, de résistance et de recyclabilité des matériaux.” Doivent aussi être prises en compte les normes de sécurité de l’OMI (Organisation Maritime Internationale), exigeant notamment la redondance des équipements les plus critiques, dont les systèmes de contrôle de vol. Un secteur transport maritime qui reste néanmoins à convaincre Reste que, pour l’heure, les armateurs ayant permis aux projets de se concrétiser sont rares et battent pavillon étranger. Le ferry électrique P-12 du Suédois Candela (30 passagers) a été mis en service cet automne par la compagnie SL dans l’archipel de Stockholm. En Irlande, Artemis Technologies devrait voir son navire EF-24 (150 passagers) naviguer sur la ligne Belfast-Bangor de Condor Ferries d’ici fin 2025. Avec plus d’un an de retard. “Le contexte économique a mis un coup de frein aux projets innovants chez les armateurs, analyse Richard Forest, fondateur de SEAir. Pionnière dans ce domaine du vol au service des particuliers, l’entreprise basée à Lorient a déjà vendu 18 bateaux à foils de petite taille (de 6 à 12 mètres), qui associent moteurs diesels, foils à pods électriques et petit pack de batteries. Avec ses bateaux hybrides, SEAir a aussi séduit le secteur de la défense, avec la signature d’un contrat de 10 millions d’euros portant sur des vedettes de 12 et 20 mètres (transport de personnel militaire et de drones) destinées à des missions d’actions rapides, de surveillance et sauvetage, ainsi que de surveillance électronique. Leur mise à l’eau est prévue en 2027. Reste désormais à passer à l’échelon supérieur et à convertir les compagnies de transport. “Le marché s’entête à viser le zéro émission avec des propulsions à hydrogène qui ne sont pas encore au point mais très subventionnées ou des systèmes 100% électriques qui sont chers et lourds du fait des batteries ; en outre, leur consommation s’envole dans une mer formée, affirme Richard Forest. On gagnerait du temps en démarrant avec des moteurs diesel permettant déjà de diviser par deux les émissions de CO2. Ils pourront être changés quand la technologie hydrogène sera opérationnelle.” K-Challenge ,récemment implanté à Lorient, a toutefois développé pour Orient Express Racing Team un modèle de chase boat à foils propulsé à plus de 50 nœuds grâce à des moteurs hydrogènes, les foils offrant plus d’autonomie et de vitesse au bateau. L’objectif dans les années à venir est de permettre aux foils de gagner en sobriété énergétique, et donc de continuer à profiter des développements en cours pour les voiliers de course, la technologie en la matière ne cessant de progresser, à l’instar des nouveaux foils qui équipent depuis janvier les F50 du circuit SailGP. En pointe sur le sujet, Avel Robotics fournit ainsi déjà neuf Imoca avec des foils affichant un équivalent CO2 inférieur de 30% aux modèles classiques. “Ils sont fabriqués par deux bras robotisés fonctionnant comme une imprimante 3D, ce qui évite d’avoir besoin de moule”, explique Adrien Marchandise, cofondateur et directeur technique de la PME située à Lorient La Base. Celle-ci va encore plus loin avec le projet Foil Infinity, développé avec Compositic et MerConcept et financé en partie par la Région Bretagne et des fonds européens. Fabriqués à partir de carbone recyclé et de carbone thermoplastique vierge, ces foils promettent une empreinte réduite de 30% ainsi qu’une durée de vie prolongée. La technologie sera testée dès cette année en conditions réelles par le même Adrien Marchandise sur le Mini 6.50 Minilab Racing Bull, qu’il mènera notamment sur La Boulangère Mini Transat, avant une déclinaison programmée pour des Imoca du Vendée Globe 2028. Preuve que dans le domaine du vol, la course au large reste une pionnière. Voile de compétition